Les deux sexagénaires qui s'assoient en face de moi sur cette banquette du métro sont forts aimables. Après s'être excusés d'avoir troublé ma rêverie, ils constatent avec délectation - certainement à mon accent - que je ne suis pas danois. La conversation s'engage, mon mauvais anglais contre leur bienveillante attention. D'où je viens ? Ce que je fais là ? Ce que je vais faire après ? Leur affable insistance finit par peser un peu.
J'aperçois alors sur le panneau lumineux des stations qui défilent "Christianshavn", quartier populaire du centre ville où se trouve le célèbre squat. Je leur glisse timidement que je vais à Christiania. Leur attitude se raidit d'un coup. Ils me toisent alors gravement : "Christiania n'est pas le Danemark ! Je ferais mieux d'aller à Tivoli, un très beau parc d'attraction". Confus, je promets et je file.
À presque 40 ans, la "commune libre" traîne encore une réputation sulfureuse. Certes, on trouve à Pusher street (une rue de Christiania) toutes sortes de substances prohibées dans le reste du Danemark, certes, lorsque la police s'approche d'un peu trop près, le quartier s'embrase en de mémorables émeutes. Néanmoins, on y croise aussi tous les dimanches des familles venant profiter des 35 hectares de parc.
Thomas, jeune habitant de Christiania, nous emmène en balade et nous explique le fonctionnement de cette communauté.